Perspective.Univers

Ebauche

C'est Bébé qui te fatigue autant, ou quoi ? 

Je sens que mes mots vont me poursuivre dans leurs bouches jusqu'à ce que mon ventre s'arrondisse pour de bon. En attendant, je traine au rayon Maternité. Quittant par inadvertance les tailles Standard pour me perdre au milieu de vêtements un tantinet plus décalés. Mais çà dérange qui? Personne.

Je recherche un Père.

Et les éclats de rire qui se répercutent le long des murs sur le boulevard.

Dans le train, sous le roulis habituel, je lis un livre intitulé En bas, les nuages. Michel Dugain, si je ne m'abuse. Je n'aimais pas. L'impression fugace mais tenace de lire une littérature creuse. Embellie mais vide de sens et d'intérêt. De lire la vie de mon voisin de siège en skaï orange déchiré. Et puis, j'ai commencé à mordiller mes lèvres. Un rire franc au milieu de ces visages gris aurait eu pour signification une grave insulte à leur suffisance terne. Les pages se tournant, j'ai découvert les liens. Les enchainements. J'ai découvert l'envie d'en savoir plus. Le plaisir de lire des mots pimpants d'une vérité partagée. Des mots simples, bruts, clairs. Presque enfantins. Fin juge et implacable bourreau. A couper des têtes, souffler dans les brushings et contrecarrer les plans les plus hypocrites de mots écrits à la chaine et gonflés, comme à l'hélium, comme leur énonceur, d'une importance sans consistance. A croire que tout le monde écrit pour raconter quelque chose. Je laisse ici bas ces nuages là pour me souvenir que des paragraphes entiers doivent être retranscris en italique ici. Parce que rassurants. On est pas seul.

Je ne vous l'avais peut être pas dit mais je me suis luxée la mâchoire. Un faux mouvement qui me fait jouer des claquettes à chaque fois que j'ouvre la bouche. Parler, bailler, manger. Clac clac clac. L'intérêt d'une telle nouvelle ? Aucune ou presque. Je dors avec un bout de plastique moulé ayant coûté deux cents euros. Deux cents euros de plastique dans ma bouche que j'ai brisé durant mon sommeil. Pourquoi ? Tu serres les dents aussi fort que tu es stressée. Tu serres tout le temps les dents. Tu t'en rends plus compte. Sauf quand tu commences à décontracter tes mâchoires. Là, tu as mal et çà craque. Crac, crac, crac. Se sont ensuivies des histoires de mâchoires déboitées arrivant en catastrophe chez lui pour être remise en place. Ponctuées de rire. Ces pauvres gens qui en ouvrant un peu trop grand la bouche ont perdu le bas me poursuivent depuis. Une autre question aussi. Deux cents euros. Je regarde ce plastique et je n'arrive pas à comprendre où vont se loger les euros. Dans la précision du moulage ? Dans les dentelures grossières ? Dans la transparence du plastique ? Une question d'esthétique ? De luxe ? Il a les mains terriblement baladeuses. Des mots trop crus parfois. Des gestes qui dérangent. Qu'on passe presque sous silence. Mais qu'on dit quand même. En riant. Une fois la boite de Pandore ouverte, d'autres éléments ressortent.

J'ai oublié la raison première de ma venue ici. Tant pis. Une histoire de douleur, de solitude et d'inquiétude. Rien de très gai. Je préfère rester ici. Avec mes nuages, ma gouttière en plastique, mes vêtements de maternité et mes sourires. Des années que çà me rongeait. Des années et j'ai ouvert la Boîte à Pandore. J'ai ouvert, posé des mots, regardé bien en face. Dire. Sourire et pourtant.. respirer plus profondément. Plus largement. Alors, me souvenir de ce soulagement là. De ce froid glacial mais de ce soleil. De cet anniversaire inopiné. De ces oiseaux. De Notre Dame. De qui je suis. De comment je suis. De ce que je dois faire. 

De ce que je ferai.
Te tenir la main, jusqu'à ce que tu la lâches.
Logique des choses.
Je reste là.
J'étais partie mais je reviens, d'accord.
Fais moi confiance.

PS: Parce que j'en vois partout des articles qui en parlent et que çà commence à m'user les rétines. Un peu comme les articles sur Nowel, bonne année, Pâques, résultats du bac et vacances. J'ai été voir Black Swan. Deux fois. Bien avant que les critiques se lancent. Et plutôt que de digresser cent ans sur à peu près rien, je vous dirais juste d'y aller. Parce qu'il est. Eblouissant. Et en VO, je vous prie. Parce que finalement, une fois qu'on a goûté aux voix réelles, on trouve le doublage.. fade-fade-fade. Il manque les émotions brutes. Or ce film est une émotion. Une émotion creshendo. Qui vous prend et ne vous lâche pas. Si vous êtes dans la bonne salle de ciné. Parce que, quand vous avez une bande de gorilles mal dégrossis qui vous caressent le dos à grands coups de taloche dans votre dossier, ricanent et gloussent comme des abrutis tout en s'empiffrant allègrement, vous avez, et vous en conviendrez aisément, bien plus de mal à vous concentrer sur le film qu'une salle silencieuse sursautant en choeur et s'exclamant aux mêmes moments. Mais de toute manière, vous ne choisirez pas vos compagnons de visionnage alors : allez y. Point. Et au moment du générique, écoutez. Parce qu'on a applaudi dans ma salle. Aux deux visionnages. Des mains se sont jointes à la bande son pour applaudir. Pour vous dire. çà ne m'était encore jamais arrivée dans une salle de cinéma. Et quand plus deux cents personnes applaudissent en choeur, spontanément, çà fait un truc. Un truc très étrange qui n'a pas de mot équivalent.

Extrait d'un Quotidien, le Mercredi 2 mars 2011 à 0:12.

Alors ?

Recueil

Par Kyra le Vendredi 11 mars 2011 à 17:52
Décidément. J'adore ton écriture. Je relis les phrases deux fois parfois. Mais tant pis. J'aime. Parce que c'est ton écriture. Personnelle. A toi. Ceux qui suivent tant mieux. Moi je suis à cloche pied.
Et puis. Tu n'es pas la seule à te balader dans les rayons maternité. (Je t'écris un deuxième commentaire par rapport à ça mais que tu ne valideras pas. S'il te plait.)
Et puis. J'espère que ta mâchoire va mieux. Les deux cents euros ? Je sais pas non plus.
Et puis. Black Swan, il faut que j'aille le voir. Rien que l'ambiance que tu décris me donne envie.
 

Recueil









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