Perspective.Univers

Ebauche

Et, en dessous, çà fait des kilomètres et des kilomètres qu'ils cavalent en criant, riant, pleurant, hurlant, morvant, chouinant. çà tape tap tap tap sourdement sur leur sol à eux, çà vient faire trembler mon sol à moi. çà doit être les plus belles soirées. Celles où ils cavalent en dessous. haut comme trois pommes, en pyjama. Parce que l'heure du bain est passée et qu'ils se sont copieusement arrosés. Et qu'ils sont heureux d'être ensemble. On les oublie trop ces bruits. On les prend pour des gênes mais en fait, un soir comme ce soir, c'est juste reposant. 

Mon immeuble est un meuble à Vieux. J'ai toujours vécu entourée de petits vieux, à petits chiens. A petites manies. A grands sourires. Jusqu'à très récemment, mon immeuble, c'était une paisible maison de retraite. Avec la Casse Pieds en chef ( notre voisine de palier, Ô destinée ) et les Autres. Et puis, y'a des tas de jeunes qui se sont amenés. çà fait des fêtes, çà crie, çà hurle. çà cogne. çà dégueulasse tout. Ils occupent trois appartements sur quatre, au rez de chaussée. Ensuite, on trouve un couple au deuxième. Et puis ensuite, c'est trop haut pour eux. C'est bizarre. T'es polie alors tu salues. Mais le Bonjour, il coince quand tu réalises qu'il faut leur ajouter seulement quelques années de plus comparé à toi. Je suis pas habituée à voir ma paisible maison de retraite colonisée comme çà. Je dirais même que vivre entourée de Vieux, c'était bien. Et là, maintenant, y'a un emballement permanent des affaires. çà vient, çà part. çà vient. çà part aussi. Tant qu'à faire. 

Ma mère, elle connait tout sur tout le monde dans l'immeuble. Je sais pas comment elle fait. Et nous, on nous connait partout aussi. Sauf avec les nouveaux. Les nouveaux, ils sont hautains, méprisants. Aigris. Et tu les agresserais presque en leur disant Bonjour ou Bonsoir. C'est moche. T'as envie de leur dire que çà fait 21 ans que t'es là, que tu connais la maison et qu'ils ont intérêt à compter leurs abattis avant de prendre une respiration pour parler ou agir. Que c'est le monde à l'envers et qu'ils ont intérêt à changer tout-de-suite de comportement. Mais tu dis rien. Tu salues les nouveaux sans un sourire. Tu plaisantes et tu prends des nouvelles avec les Anciens. 21 ans. Y'a eu des départs, des arrivées. Des morts et des bébés.

Mais j'ai eu de la chance. Parce que ma chambre a toujours abrité celle d'une famille en construction. L'appartement en dessous a toujours été plein de bébés en couche culotte, hurlant comme riant. Des bébés plus ou moins grands qu'on descend en ascenseur, qui se collent dans les jupes de leur maman en te regardant avec un unique oeil ouvert en grand. C'est des petites têtes qui fanfaronnent en rougissant. Qui disent " mamaaaaaan, je peux appuyer ? Disdisdisdisdis ". Qui s'étirent au plus haut qu'ils peuvent, leur tout tout petit index pointé dans le ciel. Les sourcils froncés, la petite langue serrée entre les petites lèvres. Concentration et silence religieux dans l'habitacle. L'index qui appuie de toutes ses forces, une teinte cramoisie qui colore les pommettes. Et l'ascenseur qui démarre. Le sourire XXL qu'il te décoche, tout fier qu'il est, balaie d'une seule rafale les marques de l'oreiller sur la joue, les yeux encore collés et la mauvaise humeur matinale.

Sous la chambre Parentale, nous avons donc un morceau de l'appartement de Paulhin. Et sous le salon, nous avons un couple dont la petite fille s'appelle Aurélie. Intéressant, n'est ce pas?

Au rez de chaussée, on a un couple. Monsieur pourrait être le sosie du présentateur de Thalassa. Son sosie! Madame a une voix rauque de fumeuse invétéré. Un teint de peau tellement hâlé qu'il fait mal aux yeux. En face d'eux, il y a un couple. Que je ne vois jamais. De l'autre côté, il y a un autre couple de jeunes. Eux, ils sont étranges. Marrants mais étranges. Monsieur a les cheveux gris à 25 ans. Ils ont un espèce de roquet affreux et Madame, je m'en souviens pas. L'autre appart' du rez de chaussée, je connais pas. Et ensuite, nan, je ne vais pas vous faire la liste. Surtout que je m'arrête très peu aux autres étages donc pour vous dire, qui est qui, çà serait franchement compliqué. On se croise toujours dans le hall. Ou on partage un ascenseur. Parfois à beaucoup!

Il y a aussi un homme qui ressemble à Frankeinstein. Non, ce n'est pas une insulte ni rien. C'est la vérité brute. Un visage rectangulaire de brute épaisse. Et pourtant, l'est tout gentil. Y'a la dame au caniche. Son mari est mort depuis quelques années et pourtant, c'est comme s'il était toujours vivant. Elle a vieilli d'un coup. Elle sourit moins. Mais elle reste belle belle belle. Il y a le couple de mégères. Monsieur et Madame. Eh oui. Monsieur a subi une attaque cérébrale il y a quelques années. L'a bien failli y rester. Puis l'a bien failli rester paralysé d'un côté et puis en fait, il marche, critique et cancanne comme au premier jour.  On s'entend pas bien avec eux. Nos voisins de palier sont des Emmerdeurs dans toute leur splendeur. Il parait qu'on les aurait rendu à moitié cinglés, nous les petites terreurs du 8e. Arrivés au jour d'aujourd'hui, moi, je les aime bien. Monsieur est un véritable.. heu.. comment dire.. disons qu'il s'est emplafonné dans un réverbère une nuit et que ledit réverbère s'est effondré sur trois voitures. çà résumera bien la situation. Quand il cherche à ouvrir une porte, il tremble tellement que si personne ne lui vient en aide, il pourrait y passer deux heures. Madame fait très attention à elle. Bien en chairs, bien conservée, bien patata, elle est pas beaucoup appréciée en général. Je ne vous ferai pas la liste des griefs qui sont amassés contre elle mais elle est du genre Mère la Morale à tout rapporter. Y'a la Dame du Parking. Olala, celle là, c'est une vraie pipellette!

Une grande maison de retraite qui n'en est pas une. Avec grands parents, parents, enfants, petits enfants et arrière petits enfants. Qui n'en sont pas forcément.

Extrait d'un Quotidien, le Mercredi 9 février 2011 à 19:51.

Alors ?

Recueil

Par Kyra le Mercredi 9 février 2011 à 20:34
Mais c'est la maison du bonheur par chez toi. *_*
J'adore le passage avec le gamin dans l'ascenseur. C'est trop ça. xD Et qui ne l'a jamais été ce gosse, hm ?
Par eclat-de-reves le Jeudi 10 février 2011 à 0:59
Et il y a aussi la Corse. A la base, cet article devait en faire mention et puis j'ai été coupé dans mon élan alors je n'en parle qu'en post scriptum. Pour ceux qui n'auront pas lu du premier coup. La Corse, elle brille. Il n'y a pas d'autres mots, elle brille. C'est une sorte d'étoile ultra lumineuse. Quand elle est là, il n'y en a que pour elle. Et elle parle, elle parle, elle parle. Avec les mains, les oreilles, les bras, les jambes. Et que çà gling gling de partout. Elle ruisselle de bijoux, elle a une coiffure blonde décoloré, une manière de s'habiller éternellement jeune qui lui permet de décrocher la palme de la Bimbo. Mais c'est notre Bimbo. Et elle est tellement drôle, gentille, attentive qu'on lui pardonne tout et qu'au contraire, on la remercie de péter autant le feu.
Par maud96 le Samedi 12 février 2011 à 15:25
Un "portrait" d'immeuble ! ... amusant à lire, une galerie de portraits que tu rends "hauts en couleurs". On a l'impression que tu pourrais maintenant écrire un roman, les acteurs sont en place...
Par Macmouth le Dimanche 13 février 2011 à 0:59
Mon grand-père habite dans un immeuble aussi. Quand j'étais petite et qu'on allait chez lui, avec mes sœurs, on se "battait" toujours pour savoir qui allait appuyer sur le bouton... Et pourtant il habite au premier étage x).
Cette description est très belle.
Encore plus celle de la Corse. Tu n'imagines pas à quel point je trouve tes mots merveilleux, avec un champ lexical (le français de 1ère qui ressort ^^) qui commence à la première phrase et qui ne quitte pas ton texte jusqu'au dernier mot. Cette merveilleuse unité que tu crées.
Je dis n'importe quoi (comme à chaque fois -.-).
Mais : bravo !
 

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