Je t'ai écrit une lettre. Sur un coup de tête.
Elle a fini déchirée en huit, enveloppe et adresse comprise, dans la poubelle. Sur un coup de tête.
Raconter des inconnus, c'est facile. Raconter sa vie, çà l'est moins. Sauf en disant le plus important, ou le plus futile. Le milieu, il se raconte pas. Bien trop riche même quand il est pauvre. Il faut mettre des mots réducteurs sur des actes infiniment petits mais ô combien importants.
Quand les somnambules déambulent. Cette rime m'accroche. Elle tourne telle une litanie dans ma tête depuis qu'elle s'est installée dans l'article. Je joue sur la corde raide. Funambule du Dimanche, je me balance très haut dans le sol, pour arriver de l'autre côté. La rapidité a une telle intensité dans l'oeil. Vite, vite, se dépêcher avant qu'il ne soit trop tard.
Dans cette lettre, je te racontais tout ce que je ne te raconte plus. Tout ce que je ne te raconterai plus bientôt. Même avec un stylo et une belle feuille blanche. De ma plus belle écriture, j'ai tâché le papier. Retenant larmes et rires, amère déception et fanfaronnades. Je me suis appliquée à écrire avec folie tout ce qui tourne rond dans cette vie que je vis en spectatrice attentive.
La journée s'est très mal passée. La fatigue m'a tenue serrée contre elle. Nausée et épuisement de l'être. Restent trop fortement présentes des images qu'on préfèrerait oublier. Tu as dit une date. Mais finalement, çà sera plus tôt, hein. C'est ce que tes mots veulent dire. De toute manière, on s'aime tellement plus.
çà aussi, j'en parlais. En conclusion de ma lettre folle de sens, j'ai marqué combien j'avais été heureuse d'un tout petit évènement. Phénoménal pour tous les deux. Mais les regrets ne servent à rien, n'est ce pas?
Je m'accrocherai aux jolis souvenirs. Je n'en construis plus de nouveaux avec ce qu'on se propose maintenant. çà n'en vaut pas la peine. çà fissurerait l'édifice et moi, j'ai pas envie de fissurer le beau souvenir que j'ai de toi.
Et on se déchire, encore et encore. Avec des sourires et des jolis mots. Avec des claques et des ironies dévastatrices. C'est comme une tresse que j'applique à faire et que tu t'appliques à défaire à l'autre bout. Un lien ténu entre nous. Savamment et avec application tissé puis démis.
Je suis fatiguée. Epuisée d'une vie.
Le plus grand gâchis, je pense, a été, pour Dieu, de me donner ces jours sur Terre. Je suis sûre qu'une autre âme en aurait fait meilleur usage. Et moi, je trace progressivement ma révérence dans le sable. Tu ne les vois pas? Je creuse, gratte, époussette, épouse. Il est vrai que la mer m'avale mes mots d'adieu. Mes mots d'Ailleurs. Je suis appelée Ailleurs.
J'aimerais mourir dans mon sommeil. Bientôt.
çà aussi, je te l'ai marqué dans la lettre qui t'étais destiné. Parce qu'on était censé tout se dire. Je t'ai dit aussi que j'étais lâche pour tenter quoique ce soit sur mon corps. Que j'ai une horreur sainte de la douleur. çà serait seulement bien que Dieu me rappelle à lui. Tranquillement, sans vague, ni fausse note. Une mort de vieille personne. Dans le corps d'une grande et vaillante jeune femme. Pour donner une chance à l'âme suivante. Parce que là, vraiment.
Y'a des moments où j'aimerais que Dieu soit pas loin et entende de son fauteuil en cuir, des suppliques innocentes.
Perspective.Univers
Ebauche
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D'ailleurs tu sais, mourir à vingt ans, même "tranquillement, sans vague, ni fausse note", ce n'est jamais normal. Je trouve à cette idée, à ce désir et à ces mots une violence rude, presqu'insoutenable. Peut-être le reflet de la décharge qui t'a vieillie d'un coup.
Et puis je t'envoie des sourires. Parfois ça revitalise, les sourires :)